L'harmonica, et particulièrement l'harmonica chromatique, a été utilisé à d'innombrables reprises pour illustrer des musiques de film. En voici quelques exemples savoureux...
"Midnight Cowboy": un "hit" planétaire - Avec le "riff" d'"Il était une fois dans l'Ouest", trois notes lancinantes jouées par l'Italien Franco de Gemini dans le western-spaghetti de Sergio Leone sorti en 1968 que je vous avais présenté ici, le solo de Toots Thielemans dans le "Midnight Cowboy" de John Schlesinger (titre français: "Macadam Cowboy") est certainement l'une des pièces d'harmonica chromatique les plus connues de la planète. Sorti en 1969, le film a secoué les fondations du cinéma américain en présentant en paumés Dustin Hoffman et Jon Voight, les deux stars montantes de l'époque. Classé X en raison de ses scènes érotiques, il a reçu trois Oscars en 1979. Le générique d'ouverture, "Everybody's Talking", est une reprise d'une pièce publiée en 1966 par Fred Neil. Son interprète, Harry Nilsson, allait en vendre plus d'un million de copies et décrocher un Grammy Award. Depuis, la chanson est passée plus de sept millions de fois à la radio et à la télévision américaines, selon une récente statistique publiée par le New York Times. Elle a en outre été reprise par d'innombrables artistes, dont Eddy Mitchell en 2009 sous le titre "Comme un étranger dans la ville". Question: qui joue les quelques notes d'harmonica sur la version française de Schmoll? Proposez votre réponse en "commentaire"...
"Le Petit Fugitif", déclencheur de la "Nouvelle vague" - Trop longtemps oublié, "Le Petit Fugitif" ("Little Fugitive"), film réalisé en 1953 par les Américains Ray Ashley et Morris Engel, est à la fois un monument du cinéma indépendant et une source d'inspiration majeure pour la "Nouvelle vague" française. François Truffaut s'en est inspiré pour réaliser ses "400 Coups". Pour un scénario qui compte en tout et pour tout deux mile mots de dialogue, Ashley et Engel avaient estimé une musique indispensable. Compte-tenu de leur budget minuscule, ils ont engagé Eddy Lawrence Manson, un harmoniciste virtuose qui a composé et interprété la bande son. Superbe, celle-ci a été publiée en 1956 sur Folkways Records. Compositeur de spots publicitaires (il a travaillé pour le métallurgiste US Steel, le constructeur automobile Plymouth, le fabricant de cigarettes Lucky Strike et aussi les soupes Campbell), Manson, décédé en 1996, a fait de l'harmonica un motif récurrent du film, l'instrument devenant l'objet-fétiche du petit héros du long métrage. Lion d'argent à la Mostra de Venise en 1953, le film fait la couverture du n° 31 des "Cahiers du Cinéma" dans lequel Truffaut a mis le feu aux poudres dans son célèbre article sur « Une certaine tendance du cinéma français », véritable déclaration de guerre à l’académisme du cinéma français de l'époque.
"Geneviève": du beurre dans les épinards de Larry Adler - Dans "Geneviève", long métrage britannique réalisé par Heny Cornelius en 1953, la production, qui avait engagé l'harmoniciste américain Larry Adler pour écrire et interpréter --partiellement-- la bande-son, a refusé de lui payer un cachet, préférant lui assurer un pourcentage des recettes. Deux années plus tard, le film, qui raconte un rallye de vieilles voitures entre Londres et Birghton (Grande-Bretagne), obtenait aux Etats-Unis le "Golden Globe" du meilleur film étranger. L'anecdote veut qu'avec ses émoluments, Adler, qui n'avait pas encore été contraint de s'exiler à Londres comme je vous l'ai raconté ici, a réussi à payer les études supérieures de ses filles. A noter que la vedette du film est française: il s'agit d'une Darracq 10/12 HP construite en 1904 dans les ateliers d'Alexandre Darracq à Suresnes (Hauts-de-Seine). En 1922, la marque était rachetée par Talbot, marque appartenant aujourd'hui au groupe PSA.
Dans "Miss Sadie Thompson": un blues à l'harmonica nominé aux Oscars - Dans "Miss Sadie Thompson" ("La Belle du Pacifique"), film américain polémique réalisé par Curtis Bernhardt et sorti également en 1953, la scandaleuse Rita Hayworth interprète avec la voix de Jo Ann Greer un blues, accompagnée au chromatique par Leo Diamond. Ce "Blue Pacific Blues", composé par Ned Washington et qui sera nominé à l'Oscar 1954 de la meilleure chanson originale, constitue la pierre angulaire de la carrière de Diamond. Membre de 1930 à 1946 des "Harmonica Rascals" de Borrah Minevitch, il fonde son propre trio, "Les Harmonaires", avant de se spécialiser dans la musique de film. En 1956, il co-écrit avec le dirigeant Murray Kellner la "Skin Diver Suite", premier opus pour harmonica et orchestre, et dont la première partie est ici et la seconde ici. Par la suite, il écrit encore "Off Shore" qui deviendra l'un des standards de notre instrument.
(A suivre...)
Bonjour, je joue de l'harmonica depuis longtemps, et je vais recommander votre blog que je trouve super intéressant, et instructif notamment pour ceux qui me regardent d'un œil dubitatif lorsque je m'entête à expliquer que Gemini a joué "l'homme à l'harmonica" sur un chromatique pour le film.
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