Quoi qu'il y a dans mon micro qui donne le gros son? (1/2)

Ca y est! Vous venez d'acquérir l'ampli de vos rêves et il ne vous manque plus qu'un micro pour déchirer comme Little Walter. Problème: lequel choisir?

Qu'est-ce qu'un micro? Pour faire simple, il s'agit d'un dispositif de conversion d'ondes sonores acoustiques en impulsions électriques. Le dispositif est généralement constitué d'une partie mobile que les ondes sonores viennent exciter. Ces oscillations mécaniques sont converties en tension électrique qui est ensuite acheminée vers le système d'amplification ou d'enregistrement auquel le micro est branché.
Il existe trois grandes catégories de micros: à capteur piézo-électrique ou cristal, électrodynamique et  électrostatique. Pour l'harmo, seules les deux premières catégories sont intéressantes. Et cela indépendamment de "l'enveloppe" du micro, de son aspect extérieur. Ce qui compte, c'est la capsule, l'élément qui se trouve à l'intérieur. En somme, peu importe le "flacon", pourvu qu'on ait le (gros) son...

Sel de Rochelle ou "cristal". Tout harmoniciste digne de ce nom aura, à un moment ou un autre, entendu parler de "micro à cristal". De quoi s'agit-il? Contrairement aux micros électrodynamiques, ce type de micro ne capte pas, par sa capsule, les vibrations acoustiques de l'air mais celles véhiculées par une surface solide. Leur capsule est de ce fait constituée d'un minuscule morceau de sel de Rochelle, nom commun du tartrate double de sodium et de potassium. Lorsqu'il est soumis à une variation de pression due à une vibration acoustique, ce petit "cristal" va fournir un courant électrique alternatif proportionnel en amplitude et en fréquence à la vibration captée. C'est l'effet piézo-électrique, c'est-à-dire la propriété que possèdent certains corps de générer une charge électrique sous l’action d’une contrainte mécanique.

Bobine mobile et aimant. Un micro dynamique est généralement constitué d'une membrane tendue sur un cadre. Les vibrations de l'air se communiquent à la membrane sur laquelle est montée une bobine qui va produire un courant induit en se déplaçant par rapport à un aimant fixe, comme le montre le schéma d'une capsule ci-contre: onde sonore (1) membrane (2) bobine mobile (3) aimant (4) courant électrique (5). Ces deux technologies ont, chacune, leurs avantages et leurs inconvénients. Le cristal  est sensible aux températures extrêmes et aux chocs alors qu'un aimant, plus robuste, manque de finesse dans les aigüs.

Lampes de vélo. Pourquoi ces deux technologies datant des années 30 et 40 ont-elles un intérêt pour nous, harmonicistes? Tout simplement parce qu'elles sont utilisées dans les micros "vintage" en forme de "lampe de vélo" affectionnés par les grands professionnels, les Shure 520 "Green Bullet" et autres Astatic JT-30. Car, s'il n'existe pas à proprement parler de capsule spécialement conçue pour l'harmonica, les éléments équipant ces micros ont l'avantage de "descendre" très bas. Lorsqu'ils sont utilisés pour amplifier notre instrument,  ils concourrent à dispenser ces fréquences basses qui lui font défaut dans la plupart des tonalités.

Une capsule R5 Shure, côté face

 "Controlled reluctance" et "controlled magnetic". Qu'est-ce qui se cache derrière ces expressions apparemment barbares qui reviennent régulièrement dans la littérature anglo-saxonne consacrée à l'harmonica amplifié? Dans la catégorie des micros dynamiques, il s'agit de deux familles de capsules mises sur le marché par le fabricant americain de micros Shure entre 1949 et 1990 pour des applications industrielles. La plage de fréquence de ces éléments se situe entre 100 et 7.000 Hertz (Hz) alors que le domaine de perception des sons de l'oreille humaine se situe entre 20 et 20.000 Hz. Ces capsules ont deux grands avantages: leur robustesse (pendant la 2è guerre mondiale, elles ont équipé les systèmes de communication de l'armée américaine) et leur capacité à produire une distorsion sonore, à la base du son agressif recherché par le plus grand nombre dans la corporation. Dans la "famille" des "controlled reluctance" (CR), la cellule Shure R5 est la plus prisée. Celle-ci se décline en "black label" (aimant de couleur noire), la plus ancienne et la plus convoitée (entre 200 et 250 dollars US sur eBay), et en "white label" (aimant blanc), dont les qualités tonales seraient moindres. A vrai dire, la différence alléguée par les spécialistes échappe entièrement à mes oreilles.

Une capsule R5 Shure, côté pile
Impédance: haute ou basse? Reste la famille des "controlled magnetic" (CM) qui relève d'une technologie cousine. A mon humble avis, la plupart des capsules CM "sonnent" aussi bien que les CR mais sont deux fois moins chères que ces dernières. On peut en trouver sous les 100 dollars US sur eBay! Mais dans tous les cas, et particulièrement si l'on possède un ampli à lampes, il faut veiller à utiliser un élément à haute impédance (Hi Z) et non à basse impédance (Low Z). Je donnerai pas ici d'explication technique fumeuse. Il suffit de savoir que les capsules "Hi Z" ont nettement plus de "gnaque" que les "Low Z". Pour les reconnaître, il faut se reporter à la série de quatre chiffres et une lettre se trouvant au dos de l'élément: 99A86, 99B86, 99F86, 99G86, 99H86, 99K86 ou 99X86.

Et enfin, sur la tranche...

Joint d'étanchéité. Les trois autres chiffres constituent la date de fabrication. Ici, il s'agit d'un élément qui, portant le "code" 325, date de la 25è semaine de 1953. Pour installer ces capsules dans un micro, il faut un joint d'étanchéité spécial. Jusqu'à récemment, ces joints en caoutchouc, qui avaient une fâcheuses tendance à pourrir, étaient quasiment impossible à trouver dans un état satisfaisant de sorte que nombre de capsules avaient la bougeotte dans le micro où elles se trouvaient. Toutefois, et depuis peu, ces joints sont à nouveau disponibles. Bon, alors, comment ça "sonne"? Voici une petite vidéo trouvée sur le net. A mon sens, elle n'est pas très convaincante. Elle permet néanmoins de se faire sa petite idée.
(A suivre...)

Vidéo de la semaine: Gershwin revisité par un génie de 9 ans

Cela s'est passé en 1999 à Hangzhou (Chine). Après y avoir remporté le festival international d'harmonica, le prodige chinois Leung Pak-yiu fut la tête d'affiche du concert de gala final.
A neuf ans à peine, le jeune harmoniciste originaire de Hong-Kong choisit de jouer la "Rhapsody in Blue" de George Gershwin avec le pianiste Chan Shek-lun.
La pièce, écrite en Fa pour piano et orchestre et arrangée ici pour l'harmonica par Wong Chi-wing, est d'une difficulté redoutable pour notre instrument.
L'interprétation n'en fut pas moins un pur moment de grâce.
La même année Leung Pak-yiu s'est classé 2è aux championnats du monde Hohner à Trossingen (Allemagne).
                       

Vidéo de la semaine: Toots et Stevie ont la "Bluesette"

Cela s'est passé en 1999 à Stockholm: Stevie Wonder était reçu dans la capitale suédoise pour se voir décerner le Prix Polar de la musique remis chaque année par l'Académie royale de musique.
Le prix a été fondé en 1989 par  une donation de Stig Anderson, feu le manager du groupe ABBA et fondateur du label musical Polar Music.
La cérémonie de remise de cette distinction se déroule traditionnellement en mai et les lauréats reçoivent leur prix (un million de couronnes, soit environ 109.000 euros) des mains de Sa Majesté le roi Charles XVI Gustave de Suède.
Cette année-là, l'immense Toots Thielemans avait été invité pour animer ces agapes. Et lorsque Toots a égréné les premières notes de sa "Bluesette", le morceau qui l'a rendu célèbre dans le monde entier, Stevie, assis à la place d'honneur à côté du roi, n'a pas tenu en place. Il a demandé à monter sur scène. Ce qui s'est passé alors, c'est un pur moment de magie...


Les amplis Kalamazoo 1 et 2: petites boîtes mais gros son !

J'ai le privilège de posséder un Sonny Jr, actuellement l'un des meilleurs amplis pour l'harmonica. Mais la bête pèse son poids... Fortement incité par mon dos à chercher quelque chose de plus transportable, je me suis souvenu que, dans le milieu des années 60, le fabricant américain de guitares Gibson avait sorti de petits amplis réputés être excellents pour l'harmo: les Kalamazoo 1 et 2. Interrogé, mon pote Guy van Eesbeeck, spécialiste "matos" reconnu, me l'a confirmé.
Fabriqués entre 1965 et 1967 à Kalamazoo (Michigan) par une filiale de Gibson, Chicago Musical Instruments (CMI), les Kalamazoo 1 et 2 ont été conçus comme des amplis guitare pour petits budgets. Si le modèle n°2 que j'ai trouvé sur eBay pour une centaine d'euros ne sonne pas terrible avec ma Harley Benton MS JR. III BK (48 euros chez Thomann), pour l'harmo, c'est un vrai bonheur: la saturation est excellente et le son est "sale" sans être agressif.

L'usine Gibson de Kalamazoo en 1984
Les premiers amplis Gibson datent du début des années 30, alors que la firme fondée en 1894 par Orville Gibson eut connu un succès fulgurant en fabriquant des guitares dont la table était creusée et les cordes fixées à un cordier pour en amplifier la résonance.
Ces amplis étaient des "combos" équipés de d'un ou deux haut-parleurs Utah de 5 pouces.
Trois décennies plus tard, les Kalamazoo 1 et 2 étaient en fait des réponses aux petits amplis extrêmement solides conçus à partir des années 40 par Leo Fender, et particulièrement le Champ  dont le circuit 5F1 était considéré le meilleur du moment par les musiciens professionnels. La production des "Zoos" était réputée pour être très variable d'un modèle à l'autre et il n'était pas rare que les schémas diffèrent d'un ampli à l'autre.
Mais alors que, pour ses modèles, Fender utilisait des lampes 12AX7 pour la préamplification, des 6V6GT pour la puissance et des 5Y3GT pour les redresseurs, Gibson utilisait des des 6BQ5s, des 6AQ5s, des  6BM8s ou encore des 7591 pour produire des bécanes de faible puissance destinées à un large public.
Toutefois, pour ses Kalamazoo 1 et 2, mais aussi pour son GA-5 Skylark, Gibson a cloné le circuit 5F1 du Champ, en changeant légèrement les valeurs du composants. Ainsi, les n°1 et n°2 sont pourvus d'une 6BQ5 et d'une 6X4 pour donner environ huit watts de puissance effective. Ils sont en outre dotés d'un haut-parleur CTS de 10 pouces à 8 ohms.
Contrairement à son petit frère, le n°2 dispose, en plus des contrôles "volume" et "tone", d'un trémolo. Placez un "2", trémolo ouvert, de chaque côté d'une scène et vous obtiendrez un effet "Leslie" bluffant.
Ces Kalamazoo sont actuellement très recherchés par les harmonicistes outre-Atlantique qui n'hésitent pas à les "customiser". Voici quelques exemples de modèles 1 (à gauche) et 2 (à droite) "tunés".

Quelles modifications apporter?
(Mise en garde: même débranché, un amplificateur conserve dans ses condensateurs assez d'électricité pour vous tuer! Si vous ne savez pas ce que vous entreprenez, faites vous aider par un spécialiste)
- La sortie de ligne: bien qu'ayant un volume appréciable, un "Zoo" ne projetant que huit watts ne pourra évidemment pas rivaliser avec les "bêtes" que les guitaristes croient utiles de jouer sur scène. Pour pouvoir brancher le "Zoo" sur une sono, il convient donc de le doter d'une sortie de ligne à partir du potentiomètre de volume, point idéal pour se "repiquer" et créer la sortie désirée. Une sortie de ligne n'a aucun effet sur l'impédance.
- La conversion de puissance: elle peut être "musclée" en augmentant les valeurs des condensateurs primaires de découplage de l'alimentation. Cette modification ralentira la "descente" de la puissance transitant vers les lampes mais donnera parallèlement un son moins "crunch".
- Le haut-parleur: les "Zoos" 1 et 2 sont équipés, en série, d'un HP CTS de dix pouces reconnaissable par son étiquette verte. Ceux qui n'aiment pas sa sonorité (il est un peu "rigide") peuvent opter pour un Jensen C10R, dont le cone est un peu plus souple.
- Le transformateur de puissance: celui d'origine étant un peu poussif, il est conseillé de le changer. Ayant pris divers avis auprès de spécialistes, je préconise un transfo Hammond qui donnera davantage de puissance et renforcera quelque peu les fréquences basses.
Attention: éviter à tout prix le modèle de gauche, reconnaissable à  sa têtière argentée ("silver face") alors qu'elle devrait être noire. Il s'agit d'un modèle à transistors que Gibson a sorti quelques mois avant d'interrompre la production de ses Kalamazoo. Et pas de lampes, (généralement) pas de son "blues"!
En revanche, le modèle de droite, dit "brown face" (têtière brune), est à lampes et donc OK...

Alors comment ça sonne? Voici deux exemples. A vous de vous forger une opinion. Moi, j'aime...
                                                                                                               

                                                                                                                                              
                                                                                              

Conseils vachement simples pour faire le "boeuf"

Le "boeuf" --la "jam", la "session"-- est peut-être la forme la plus aboutie du blues: un moment d'échange privilégié entre des musiciens qui, ne se connaissant généralement pas, réussissent néanmoins à parler un langage commun. Mais pour établir ce dialogue, il est nécessaire d'observer une certaine étiquette. Voici quelques règles simples pour éviter la cacophonie sur scène.

Règle n°1: faire le "boeuf", c'est prendre son pied... S'il est autorisé d'y faire des "pains", ce ne doit pas être le foutoir. Comme dans tout contexte social, la courtoisie et le respect des autres musiciens doivent être de mise.
Règle n°2: un "boeuf" n'est pas réservé aux seuls musiciens confirmés. Les débutants y ont toute leur place pour autant qu'ils maîtrisent raisonnablement leur instrument.
Règle n°3: tous les musiciens et tous les instruments ont voix au chapitre. Et chaque musicien a droit à son solo, y compris le bassiste et le batteur (bon, peut-être pas le batteur...).
Règle n°4: si chaque musicien a droit à son solo, il convient de se faire discret lorsque le solo est joué par quelqu'un d'autre (voir la règle n°1).
Règle n°5sur scène, souriez et encouragez les autres musiciens. Le "boeuf", ce n'est pas une compétition, vous n'êtes pas aux Jeux olympiques de la musique.
Règle n°6: contrôlez votre consommation d'alcool et de substances. Jouer "bourré", c'est souvent jouer "à côté".
Règle n°7: variez les genres musicaux. Du blues d'accord, mais aussi un peu de rock ou de pop. Vos oreilles vous remercieront.
Règle n°8: le chanteur, et personne d'autre, choisit la tonalité dans laquelle un morceau sera interprété. Mais c'est le batteur qui donne le tempo...
Règle n°9: apportez votre instrument. Ne demandez pas à emprunter une guitare ou, pire, un harmonica. Si vous êtes guitariste, accordez votre instrument avant de monter sur scène.
Règle n°10 (spéciale chanteur/chanteuse): ne vous attendez pas à ce que tous les musiciens connaissent votre (immense, forcément immense) répertoire. Choisissez des morceaux simples. 
Règle n°11 (spéciale guitariste): ne jouez pas à donfe tout le temps.
Règle n°12 (spéciale guitariste): jouez moins fort.
Règle n°13 (spéciale guitariste): réduisez votre volume sonore.
Règle n°14 (spéciale batteur): jouez moins sur les cymbales. Nos oreilles vous remercieront.

Règle n°15 (spéciale harmoniciste): faites ce vous voulez sur scène. Vous êtes le meilleur!