Le Rocket de Hohner passé au banc d'essai par Michel Herblin

Fin janvier, Hohner lançait aux Etats-Unis le Rocket, un Special 20 gonflé aux stéroïdes. Michel Herblin a passé au banc d'essai ce nouveau diatonique qui sera disponible en France fin avril.



Chez votre marchand de musique à la fin avril - Ca y est! Les premiers exemplaires du Rocket M2013, le nouveau diatonique de Hohner que je vous avais présenté ici en janvier, sont arrivés chez Hohner France. Au siège de la firme à Semur-en-Auxois (Bourgogne), il m'a par ailleurs été confirmé que ce nouveau dix trous, sorte de Special 20 sous stéroïdes, sera disponible en magasin d'ici à la fin avril. Son  prix devrait tourner autour de 45 euros, m'a-t-on indiqué de même source alors qu'aux Etats-Unis son prix suggéré au détail est de 99 dollars US (environ 72 euros). Mais le Rocket peut être trouvé sur le net à 69,99 USD (environ 51 euros)… Et comme les bonnes nouvelles arrivent rarement seules, Michel Herblin m'a fait parvenir ses premières impressions pour ce nouvel instrument qu'il a passé au banc d'essai. Dans un style fleuri, il ne cache guère son enthousiasme...

Une identité "Special 20" très prononcée - "Au premier essai, woaw! Ça ronfle en mode turbo même si deux notes soufflées bloquent. Elle se décoincent avec une séance d'halètement sans décoffrage. L'instrument me paraît hyper prometteur : belle réactivité et puissance du son même si les +overblows+ ne sont pas accessibles sur mon prototype, sorti directement de l'étui.  Je les obtiens avec un petit réglage et ils sont là, même à faible puissance. Je note aussi une identité "Special 20" très prononcée, une couleur bien spécifique et généreusement agréable.
Il faut des poumons solides - Le son est explosif, coloré d'une belle et noble brillance, conjuguant rondeur et chaleur! L'attaque a l'impact d'une roquette de sorte que le "Rocket" m'apparaît pour ce qu'il est: un instrument de guerre, un outil puissant au son détonant! Descendant en ligne directe du Special 20 qui lui colore le timbre, cet harmonica est vraiment un 20 lames de concours, généreux et agréable à jouer. Mais il faut des poumons solides pour lui faire danser les anches...
Petit "warrior" blues rock - Une réussite, ce petit "warrior" qui saura monter au front de tous les blues rocks, des plus suaves aux plus musclés! On sent franchement une volonté d'évoluer vers l'instrument parfait, sans concessions ni compromis. Une politique qui serait à développer sur d'autres modèles de la gamme Hohner. 
Vélocité de réponse assez impressionnante - Sans pitié pour les moustaches et d'une certaine raideur pour ce qui est des altérations susurrées dans les graves, c'est tout de même vraiment un produit que je risque fort de me recommander pour +booster+ mon devenir au gré d'un confort tant espéré… En attendant, découvrez vite ce puissant partenaire d'une lisibilité de son et d'une vélocité de réponse assez impressionnantes…".
Howard Levy testant le Rocket au salon NAMM - Voici par ailleurs une vidéo du grand Howard Levy testant le Rocket sur le stand Hohner, peu après son lancement fin janvier à Anaheim (Californie) à l'ouverture du dernier salon annuel de l'Association des marchands de musique (National Association of Music Merchants, NAMM), la plus grande manifestation professionnelle de l'industrie musicale mondiale.

Heinz Jörres, le photographe qui aime les harmonicistes


   Il est probablement l'un des photographes de concert les plus doués de sa génération. L'Allemand Heinz Jörres  a fait des clichés d'harmonicistes sa spécialité.


"Photograhe du blues" - Si, comme moi, vous fréquentez assidûment les festivals et concerts de la petite musique bleue en Europe, vous l'aurez peut-être aperçu, tapi dans un coin de la salle, collé à son télé-objectif, traquant l'instant fugace où, sur scène, les artistes se livrent…  Mais il est plus probable que vous n'aurez guère remarqué ce professionnel à la barbe grisonnante dont la discrétion n'a d'égal que le talent. L'Allemand Heinz Jörres, 62 ans, se définit comme un "photographe du blues" qui, en plus de quarante ans de carrière, a mis en boîte les plus grands interprètes de la planète bleue. Ses clichés en noir et blanc marient l'intuition à la composition, découpant la réalité d'un "tir" photographique fulgurant. Basé à Düren ( Rhénanie-du-Nord/Westphalie),  Heinz Jörres s'est par ailleurs fait une spécialité des clichés d'harmonicistes en action.


Fasciné par les harmonicistes - Passé le temps de l'apprentissage en culottes courtes, Heinz Jörres s'est d'abord intéressé aux machines, et plus particulièrement aux motos, avant de passer à la photographie de spectacle. "J'ai toujours aimé le blues. J'ai remarqué que la photo en noir et blanc que je pratiquais rendait les artistes du genre particulièrement expressifs", m'a-t-il confié lors de notre rencontre en novembre, au dernier World Harmonica Festival de Trossingen (Allemagne). "Au fil du temps, j'ai développé une tendresse particulière pour les harmonicistes dont les expressions sur scène m'ont immédiatement fasciné. Depuis, ce sont les instrumentistes que j'ai le plus photographiés", ajoute-t-il. Je vous propose ici un petit florilège de ses clichés. Et vous recommande chaudement  son site www.bluespic.de


Loverbleu sur ComBoost

Le "tongue blocking": effet ou embouchure ? Steve Baker répond...

Le "tongue blocking" est-il un simple effet de jeu ou s'agit-il d'une embouchure à part entière? Là-dessus, les avis divergent. Steve Baker donne le sien, carré et sans concession.


TB vs CDP - Une discussion enfiévrée m'a opposé récemment à un harmoniciste professionnel, pour qui le "tongue blocking" (TB) n'était qu'un effet de jeu alors que je soutenais qu'il s'agissait d'une embouchure. A ceux ayant zappé les papiers que j'ai consacrés sur ce blog au jeu lingual (lire ici et ici), je rappelle que le TB consiste, grosso modo, à utiliser de manière intensive sa langue pour passer de notes simples aux accords sans suspendre la note initiale. En cela le TB se différencie du jeu en dit "en cul de poule" (CDP) ou "en bisou" où la langue n'intervient que très peu. Mon propos n'est pas ici d'opposer ces deux manières de jouer mais de répondre à la question suivante: le TB est-il un effet de bouche (comme le "wah wah" est un effet de mains) ou doit-il être considéré comme une embouchure à part entière?

Deux écoles s'affrontent - De nombreux forums débordent de discussions passionnées sur les vertus comparées de ces approches différentes et, clairement, deux écoles s'affrontent! Si Joe Filisko, Dennis Gruenling et Greg Zlap assurent ne jouer qu'en TB, y compris les altérations soufflées des trous 7, 8, 9 et 10, Carlos del Junco, Charlie Musselwhite, Thierry Crommen et Michel Herblin jurent n'utiliser que le jeu en CDP, à l'exception de quelques octaves obligées. D'autres encore, comme Steve Baker, disent employer tour à tour TB et CDP en fonction des lignes mélodiques. Familier des deux techniques, Baker m'a paru de ce fait le mieux placé pour porter un jugement éclairé sur le différend évoqué plus haut. Je lui ai donc posé la question. Voici sa réponse qui, m'étant parvenue en anglais, a été traduite par mes soins. Ceux qui voudraient avoir le texte original peuvent me le demander...

Possibilités rythmiques considérables - "L'une des plus anciennes méthodes pour jouer de l'harmonica, et aussi l'une des plus répandues, consiste à envelopper avec les lèvres plusieurs canaux (Note du traducteurdu sommier) et de les couvrir avec la langue à l'exception du canal  produisant la note la plus haute. Cette méthode est généralement connue en anglais comme le "tongue blocking" (NDT: en français "jeu lingual") même si j'ai entendu employer le terme de "vamping" dans certains cercle de musique folk. Le "tongue blocking" (TB) constitue la fondation de pratiquement tous les styles traditionnels et il est utilisé par un grand nombre d'instrumentistes modernes, au moins dans certaines circonstances. Le TB permet notamment de combiner notes isolées et accords en enlevant puis en remettant la langue sur les canaux enveloppés par les lèvres. Aucune autre embouchure ne permet cela. Les possibilités rythmiques offertes par cette technique sont considérables et fondamentales pour des styles de jeu allant du folk alpin (NDT: le oumpah-pah) au celtique en passant par le blues et le classique…".

Le TB change le son - "Un autre aspect significatif du TB est qu'il change considérablement le son de l'instrument par rapport au CDP. En 1997,  j'ai pu le mesurer dans le laboratoire acoustique de Hohner (NDT: premier fabricant mondial de notre instrument). Lorsqu'on joue la même note d'abord avec une embouchure en CDP puis avec un TB, le spectre des harmoniques s'affichant sur un oscilloscope affiche immédiatement des différences majeures. En CDP, l'harmonique fondamentale apparaît relativement faible alors que les harmoniques subséquentes apparaissent de manière très prégnantes. En TB, c'est l'inverse: la fondamentale est renforcée et les subséquentes sont plus faibles. Cela se traduit par un son plus enveloppant et plus riche".

Le TB, pas un effet en soi - Ces constatations avaient été faites auparavant de manière empirique par nombre de joueurs en TB mais il n'en existait aucune preuve scientifique. A la vue des relevés de l'oscilloscope, établis de manière claire et systématique en laboratoire, j'ai dû faire l'effort (réel) d'apprendre le TB. Je l'utilise aujourd'hui la moitié du temps, en permutant entre le CDP et le TB, et inversement, lorsque les circonstances l'exigent. Certains effets ne peuvent être réalisés qu'avec une embouchure en TB, tels les "coups de langue", les "retraits" de langue (NDT: du sommier), les octaves et autres intervalles ainsi que les "inversions" de langue (NDT: pour jouer en succession rapide les deux notes d'une octave). Cependant, même le TB peut limiter le jeu de ceux qui jouent vite et/ou font un grand usage d'altérations et/ou d'overblows, il s'agit d'une technique fondamentale pour tous les styles du blues traditionnel. Tous les grands stylistes de l'harmonica blues, de John Lee Williamson à Little Walter en passant par Big Walter Horton jusqu'à Kim Wilson et Rick Estrin se sont appuyés ou s'appuient sur le TB pour réaliser une combinaison entre timbre "poisseux" et  accentuation rythmique…".

Le TB, une approche fondamentale de l'instrument - Cette combinaison ne peut pas être réalisée autrement! De sorte que, même si le TB peut être utilisé pour créer des effets spécifiques ne pouvant être réalisés autrement, il ne s'agit définitivement pas d'un effet en soi mais plutôt d'une approche fondamentale de l'instrument qui se trouve au coeur de nombre de styles. Il existe, bien entendu de grands joueurs d'harmonica qui ne jouent que rarement ou jamais en TB. Tout comme il existe de grands joueurs qui ne recourent pas aux "overblows". Mais il faut reconnaître une certaine vérité à l'affirmation de Magic Dick (NDT: l'harmoniciste de l'ex J. Geils Band) selon laquelle "si vous ne jouez pas en TB, vous ne jouez pas de l'harmonica".





Steve Baker, l'auteur du "Harp Handbook", ouvrage de référence - L’Anglais Steve Baker est l’un des harmonicistes les plus influents du moment et l’une des pierres angulaires de la scène harmonicale contemporaine.  Né à Londres où il a passé son enfance et son adolescence, il vit actuellement dans la région de Hambourg (Allemagne). Musicien professionnel depuis plus de 35 ans, le « Professeur » Baker a développé un style qui, expressif et lyrique, est reconnaissable entre tous. Son jeu s’inspire de la tradition du blues mais fusionne des éléments de la country, du folk, du funk, de la soul et du jazz. Il se produit régulièrement avec « Blues Culture », un trio mené par Abi Wallenstein,  une icône du blues en Allemagne, avec lequel il a publié six CDs. Il a également enregistré quatre CDs sur Acoustic Music Records avec l’immense guitariste américain Chris Jones. Baker collabore actuellement avec le compositeur et guitariste virtuose Dave Goodman. avec lequel il a publié en 2012 son premier CD, « The Wine DarkSea » (Acoustic Music Records), qui a reçu un accueil dithyrambique de la critique. Il est en outre l’auteur du “HarpHandbook” (Music Sales), méthode d’apprentissage de référence qui, considérée comme la "bible" des joueurs d’harmonica, a été publiée en 1990 et ré-éditée quatre fois depuis. Baker a donné des milliers de concerts et enregistré à des centaines de reprises en studio, pour des longs métrages et des émissions de télévision. Consultant chez Hohner depuis 1987, il a été étroitement associé au développement des nouveaux modèles diatoniques de la firme allemande, « Marine Band Deluxe », « Marine Band Crossover » et « Marine Band Thunderbird ». Il est enfin l'initiateur des ''Harmonica Masters Workshops" de Trossingen (Allemagne) devenus depuis 2003 un rendez-vous mondial incontournable des amateurs et des professionnels de l'instrument.

La vidéo de la semaine: bon anniversaire, Larry Adler...



Il y a cent ans aujourd'hui, le 10 février 1914, naissait à Baltimore (Maryland) Lawrence Cecil Adler, considéré comme le plus grand interprète de musique classique à l’harmonica chromatique du 20è siècle. Des compositeurs comme Ralph Vaughan Williams, Malcolm Arnold, Darius Milhaud, Arthur Benjamin et Gordon Jacobs ont notamment écrit pour le virtuose. L'un des "people" de son époque, Adler, dont la biographie wikipédia est ici et dont une biographie plus détaillée (en anglais) se trouve ici, a fréquenté Charlie Chaplin, Greta Garbo, Gloria Swanson, Salvador Dali et Fred Astaire. On lui a même prêté une liaison avec la Suédoise Ingrid Bergman. En 1949, accusé de "sympathies communistes" (voir ici), il s'était exilé à Londres et n'était jamais plus retourné dans sa mère patrie. En 1994, pour ses 80 ans, il avait enregistré son dernier grand album « The Glory Of Gershwin » (Mercury), un musicien qu’il avait adulé pendant toute sa carrière. Souffrant d'un cancer, il était décédé en août 2001 à l'Hôpital Saint-Thomas de Londres. Il a laissé une impressionnante discographie que l'on peut consulter ici. Dans la vidéo enregistrée moins d'un an avant sa disparition que je vous propose, il interprète l'une de ses dernières compositions intitulée "Le blues du garde-chiourme". Repose en paix, Larry...

Un ampli de légende, le Danelectro "Commando Model 88"

La légende veut que le Danelectro "Commando Model 88" ait été l'un des amplis favoris de Marion "Little Walter" Jacobs. Equipé de huit HP et d'un  quad de 6V6, la bête "envoie" assurément. Elle vous séduit? Préparez-vous à payer un bras pour apprendre à la dompter...



Le Graal du son amplifié pour l'harmonica - L'ampli que vous regardez est un mythe! A l'égal du Fender Bassman 1959, il nourrit depuis des lustres les fantasmes des harmonicistes en quête du "gros son", c'est-à-dire à peu près chacun d'entre nous… Le Danelectro "Commando Model 88", c'est son nom, est aussi illustre qu'il est recherché, et donc rare… La raison? Il aurait été l'ampli de prédilection de Marion "Little Walter" Jacobs! Billy Boy Arnold, l'un des derniers bluesmen de la grande époque que j'ai rencontré en 2010 à Phoenix (Arizona), me l'a confirmé: "Oui, Walter aimait le son de cet ampli. Il en jouait dès qu'il pouvait mettre la main dessus". Dans sa biographie "Blues With A Feeling, The Little Walter Story", l'historien du blues Scott Dirks rapporte également que Walter jouait fréquemment sur un "Commando". Et cela, même s'il est moins affirmatif sur l'équipement du maître dans cette interview. Voyons d'un peu plus près de quoi est constituée la bête que beaucoup considèrent comme le Graal du son amplifié pour l'harmonica. Une remarque avant de fouiller ses entrailles: selon des statistiques professionnelles, il se serait fabriqué moins de 1.500 exemplaires de cette petite merveille qui se négocie entre €3.000 et €4.000 sur les sites spécialisés. Si vous la trouvez...


Un circuit classique des années 50 - Le "Commando 88" (poids 17 kg) se présente comme un "ampli valise" ("suitcase amp") de 55 cm (hauteur) par 55 cm (largeur) par 25 cm (profondeur) qui, lorsqu'on l'ouvre, laisse apparaître huit haut-parleurs (HP) --quatre pour chacune des deux parties de la "valise"--, un amplificateur à lampes et une barre de commandes. Fabriqué entre 1954 et 1960 par Danelectro, marque d'amplis fondée en 1947 par Nathan Daniels à Camarillo (Californie), le "Commando 88" propose un double (deux canaux) circuit d'amplification de 30 watts de classe A, typique de l'époque: une lampe de redressement 5Y3, une lampe de pré-amplification 12AX7, une deuxième 12AX7  pour l'inversion de phase, une 6SN7 pour un étage de gain supplémentaire, quatre lampes de puissance 6V6 et une pentode 6SJ7 (de 1954 à 1958, une 6AU7 de 1958 à 1960) pour le vibrato.


Des contrôles doublés pour chacun des deux canaux - Les HP maintenant: il s'agit de huit gamelles AlNiCo (aluminium-nickel-cobalt) dynamiques à aimant permanent de 8 pouces, modèle 10610, de la firme Rola d'Oakland (Californie) qui a disparu dans les années 70. Elles sont branchées en deux séries parallèles  (quatre par canal), ce qui a pour effet de faire chuter l'impédance de l'ensemble des enceintes. La barre de commandes située à droite, dans la partie supérieure de la "valise", est d'une simplicité biblique (photos ci-bas): chaque canal dispose de trois entrées "jack" 1/4 de pouce et de trois contrôles en bakelite pour les basses, les aiguës et le volume. Curieusement, les aiguës et le volume se règlent de la gauche vers la droite, dans le sens des aiguilles d'une montre (zéro à dix) alors que les basses se règlent de la droite vers la gauche, dans le sens inverse des aiguilles d'une montre.


Gros transfo - La partie à proprement parler "ampli de puissance" montée dans la partie inférieure de la "valise" n'est pas davantage complexe. Elle fait apparaître de gauche à droite (photo ci-bas) un témoin lumineux "marche/arrêt", une entrée "jack" 1/4 de pouce pour la pédale "marche/arrêt" du vibrato, l'interrupteur "marche/arrêt", le cordon d'alimentation, le logement du fusible et deux contrôles pour la vitesse et l'intensité du vibrato. Notez que le transformateur d'alimentation apparaît particulièrement costaud.


Relooké pour la grande distribution - Mis sur le marché comme un ampli à la conception révolutionnaire (voir la pub ci-bas), le "Commando 88", que l'on voit ci-contre ouvert de face, a été vendu sous au moins trois autres marques: Silvertone (modèle 1337), Montgomery Ward (modèles 35-JDR-8419 et 55-JDR-8437) et Airline (modèle GDR-8518-A). Silvertone a été entre 1915 et 1972 la marque des instruments de musique du distributeur Sears-Roebuck. Créé en 1872, Montgomery Wards fut jusqu'à sa disparition en 2000, l'un des plus importants groupes de distribution des Etats-Unis dont Airline fut l'une des marques "low cost".

Alorscomment ça sonne ? Bonne question. Pour vous permettre de vous faire une opinion sur le "gros son" donné par cet ampli, j'ai glané quelques vidéos que je vous propose ici. Il s'agit de trois "Danos" des années 1953, 1956 et 1957…


Hohner lance le Rocket, une version vitaminée du Special 20

Hohner vient de lancer aux Etats-Unis le Rocket, harmonica diatonique qui n'est rien moins qu'un Special 20 sous stéroïdes. Le nouveau dix trous de la firme de Trossingen devrait être disponible en France au printemps. Je l'ai passé au banc d'essai...



Mise en orbite à Anaheim - Le Rocket a été mis sur le pas de tir le jeudi 23 janvier 2014 à Anaheim (Californie), à l'ouverture du salon annuel de l'association américaine des marchands de musique (National Association of Music Merchants, NAMM), la plus grande manifestation professionnelle de l'industrie musicale mondiale. La mise à feu de ce nouveau diatonique dix trous à sommier en plastique a été assurée au stand Hohner par Kim Wilson en personne. Voici la vidéo de cette mise en orbite:


Voici par ailleurs un banc d'essai vidéo réalisé par Ronnie Shellist, un harmoniciste texan installé au Colorado:



Une stratégie cohérente - Avec ce lancement, Hohner reste cohérent avec une stratégie initialement conçue pour sa ligne Marine Band: développer en les améliorant les vaisseaux-amiraux de sa flotte diatonique, Marine Band, Golden Melody et, dans le cas présent, Special 20 (SP20). En 2005, la firme de Trossingen avait sorti le Marine Band Deluxe, un instrument aux plaques et aux capots vissés, sans les clous qui font (toujours) le charme désuet du modèle 1896. Avec le MB Deluxe, le fabricant souabe prenait acte du bond technologique alors réussi avec le MB Classic par les "customiseurs" dont le plus connu, Joe Filisko, est aujourd'hui un consultant influent de la firme. Puis en 2009, Hohner avait mis sur le marché le Marine Band Crossover développé par Steve Baker, l'un des acteurs majeurs de la scène européenne et qui, bien qu'ayant un modèle Hohner 14 trous portant son nom, était avant tout connu des harmonicistes pour son livre référence "The Harp Handbook". Pour le MB Crossover, Baker avait imposé un sommier en bambou, un sacrilège pour les irréductibles du sommier traditionnel en bois de poirier, et un accordage dit "tempéré" 12 TET. Enfin en 2011, Hohner lançait le Marine Band Thundebird. Avec cet instrument développé par Filisko et accordé une octave en-dessous des modèles standards, la marque allemande comblait un vide: celui des tonalités extra-graves disponibles depuis plusieurs années chez son concurrent Seydel.


Disponible en France dès avril - C'est avec les enseignements de cette stratégie (réussie) que le premier fabricant mondial propose désormais dans une série baptisée "Progressive" le Rocket qui, assure-t-on, à Trossingen, sera disponible dans toutes les tonalités dès février aux Etats-Unis et fin avril en Europe et en France. Comme le SP20 classique, son avatar --qui sera fabriqué en Allemagne-- dispose d'un sommier (peigne) gris en matière plastique ABS moulée par injection (le sommier noir visible sur les photos est celui d'un prototype), de plaques en laiton de 0,9 mm vissées et fraisées, de 20 anches également en laiton et accordées sans surprise sur le système Richter "juste", et de capots vissés en acier inoxydable et chromés. Mais ce nouveau diatonique se distingue en plusieurs points du SP20 améliorant encore le confort de jeu et l'étanchéité du modèle classique.



Ouïes latérales - L'innovation la plus importante, qui est aussi la plus visible, porte sur les capots: contrairement à ceux du SP20, ceux du Rocket ont été dotés d'ouïes latérales (photo de droite) à l'instar de la ligne Marine Band. Ils ont en outre été "ouverts" sur l'arrière (photo ci-bas) alors que ceux du SP20 sont partiellement fermés. L'objectif: assurer une plus grande projection de l'instrument de manière à "enfler" le volume de jeu. "Avec ces capots, le timbre du Rocket combine celui du SP20 et du Marine Band", explique-t-on au service "développement produits" de Hohner. Passé au banc d'essai, l'instrument produit en effet dans les basses la sonorité rauque si particulière au Marine Band...










Confort de jeu - A noter que les capots sont montés sur le sommier avec seulement deux vis Philips à fût disposées à l'avant de l'instrument, vers l'embouchure, alors que sur le SP20, celles-ci sont placées au milieu du peigne. "Ce montage, qui nous a été recommandé par Joe Filisko, assure une étanchéité parfaite de l'instrument", m'a-t-on expliqué chez Hohner. "D'autant que le sommier, dont tous les angles ont été arrondis, a été moulé de manière à recevoir la plaque de musique et les capots sans débords pour conserver le confort de jeu faisant la réputation du SP20 chez les harmonicistes aux lèvres fragiles", m'a-t-on précisé. Et lorsqu'on soulève les capots, c'est la surprise: à leurs extrémités, les plaques ont été perforées avec trois trous (photo de gauche, la rayure est de moi: un dérapage de mon tournevis!) alors qu'un seul aurait suffi. Explication de Hohner: permettre le montage des capots du SP20 ou du Marine Band Crossover (photo ci-bas)


Canaux plus larges - L'observation du sommier révèle en outre que les dix canaux du Rocket sont d'une conception différente de ceux du SP20. "Ils sont plus ouverts pour permettre l'arrivée d'une plus grande colonne d'air et augmenter le volume de jeu", a encore souligné la firme de Trossingen qui, visiblement, a "vitaminé" de la sorte son vénérable SP20. A noter encore que les plaques sont maintenues sur le sommier avec huit vis Philips. Pour ce nouvel instrument, il vous faudra probablement débourser autour de €45,- (prix conseillé) contre €29,- pour le SP20 (prix Thomann France).

Vidéo de la semaine: James Stewart en accro du chro





S'il est un acteur dont je ne pensais pas qu'il avait tâté de notre instrument, c'est bien l'Américain James Stewart dont j'ai apparemment injustement mésestimé le talent. Dans une comédie musicale de George Marshall, "Pot'O Gold" ("L'Or du Ciel") sortie en salles en 1941, notre homme n'hésite pas à utiliser un harmonica (que l'on devine chromatique) pour séduire sa partenaire, Paulette Godard. Et si l'on en juge par un extrait du film que je vous propose ci-dessous, le bougre semble plutôt bien se débrouiller avec la tirette… En fait, la bande-son a été enregistrée par Jerry Adler, le frère cadet de l'immense Larry que je vous avais présenté ici. Jerry a notamment montré à Stewart les mouvements de mains devant être effectués pour que son jeu soit crédible à l'écran.


Caricaturiste, Betto est aussi un "détourneur" d'harmos...


Dessinateur de presse et caricaturiste, le Colombien Alberto Martinez Betto a une deuxième passion: l'harmonica! Non seulement cet artiste de 45 ans joue-t-il de notre instrument, mais il réalise des montages étonnants avec des harmonicas d'époque --qu'il collectionne-- et dont je vous propose ici quelques exemples savoureux. Journaliste au quotidien colombien "El Espectador", Betto a vu son travail récompensé par de nombreux prix. Pour ceux qui lisent l'espagnol, voici son site: http://bettoespectador.blogspot.fr. A consommer sans modération.





















Cham-Ber Huang avale sa tirette...

L'harmoniciste et luthier d'origine chinoise Cham-Ber Huang vient d'avaler sa tirette le vendredi 10 janvier 2014, après une longue bataille contre la maladie d'Alzheimer. Cham-Ber Huang est notamment le "père" du CBH 2016, le vaisseau-amiral des chromatiques de Hohner dont je vous avais raconté l'enfantement ici. Voici une rapide biographie (en anglais) de ce luthier de génie qui, après s'être fâché avec Hohner avait fondé dans les années 80 sa propre manufacture d'harmonicas...

Comment le Marine Band 1896 a été sauvé de la débandade MS

Lorsque dans les années 80, Hohner lance sa gamme MS ("Modular System", système modulaire), la qualité des diatoniques de la firme allemande plonge de manière drastique. Pour sauver de la débâcle le Marine Band 1896, voici comment quelques fêlés du dix trous le plus joué au monde ont fait revenir le fabricant de Trossingen à l’écoute de son marché…




Le "Marine Band", version classique: il a défini le son du blues
Le "système modulaire": une fausse bonne idée - Hohner pensait l’idée géniale: au-lieu de continuer d’assembler ses modèles diatoniques à la main, la firme allemande a entrepris à la fin des années 80 de les monter automatiquement sur une ligne de fabrication contrôlée par ordinateur avec des composants (sommiers, plaques et capots) interchangeables et remplaçables. Il s'agissait pour la firme de Trossingen de permettre à chaque instrumentiste de "construire" en fonction de ses exigences l’harmonica convenant le mieux à son style de jeu. Appliqué à l’ensemble des dix trous de la marque, ce "système modulaire" (MS), lancé en réponse à l'"Harmonica System" imaginé en 1983 par le Néerlandais Lee Oskar en collaboration avec le fabricant japonais Tombo, a failli conduire Hohner dans le précipice tant il a fait baisser la qualité de ses instruments. Et ce n'est que grâce à l'obstination farouche de quelques "customiseurs" (luthiers) américains, dont à l’époque l’encore inconnu Joe Filisko, que Hohner a repris l'assemblage manuel du "Marine Band 1896", vaisseau-amiral de sa flotte diatonique, et échappé de peu au naufrage industriel.

Le "Marine Band", version MS: une vraie passoire...
Tolérances relâchées, passoire garantie - Pour standardiser ses pièces conformément à sa nouvelle philosophie MS et les adapter à ses modèles à sommier en plastique (Special 20, Big River, Cross Harp, Pro Harp) et en métal (Meisterklasse), Hohner commet en effet l’irréparable en relâchant pour son Marine Band MS les tolérances d’écartement entre les anches et les fentes des plaques. Résultat: le diatonique qui a défini le son "blues" perd en grande partie son étanchéité.


...mais aussi quelques innovations intéressantes.

Plus de son pour moins d'efforts - De plus, l'attaque devient poussive et l'instrument virtuellement impossible à contrôler... En outre à l'emploi, les anches se montrent fragiles et les capots peu ergonomiques. Enfin, les instruments des séries MS sont plus grands que les modèles classiques: 10,6 cm au-lieu de 10 cm... "Je ne sais plus très exactement quand, mais dans les années 80, la qualité des Marine Band s'est brusquement et dramatiquement détériorée", affirme Richard Sleigh, un luthier américain qui a travaillé de nombreuses années avec Filisko. "Au début des années 90, de très nombreux harmonicistes sont venus me demander de l'aide en frappant à la porte de ma maison de Joliet" (Illinois), se souvient ce dernier qui commençait alors à faire connaître ses instruments customisés dans les cercles professionnels alors que les inconditionnels du Marine Band "fait main" ne décolèrent pas aux Etats-Unis contre la médiocre qualité des MS. "Avec Richard et Jimmy Gordon, un autre customiseur, nous avons mis au point une procédure extrêmement précise pour optimiser la jouabilité du Marine Band classique tout en adaptant chaque instrument au style de jeu de son propriétaire", ajoute-t-il. "Il s'agissait notamment d'accroître la réactivité des anches pour que l'instrument produise un plus gros son avec moins d'efforts", poursuit-il.

Joe Filisko
Des instruments cultissimes - Pragmatiques, Filisko et Sleigh ne jettent pas pour autant le bébé avec l'eau du bain et retiennent certaines innovations proposées par les séries MS. Pour leurs customs, qui commencent à apparaître entre les mains des meilleurs joueurs de la planète, les deux compères adoptent notamment les plaques et capots vissés des MS alors que ceux-ci sont cloués sur les Marine Band classiques. Les harmonicas de Filisko, Sleigh et Gordon, dont les plaques et les anches sont minutieusement et longuement travaillées (débourrage, embossage, accordage), deviennent rapidement cultissimes au point que Hohner, confronté à la bronca de ses clients ordinaires, se résout en 1997/1998 à remettre sur le marché son Marine Band "fait main" et de jeter son modèle MS aux poubelles de l'Histoire... Aujourd'hui, la firme de Trossingen ne distribue guère plus en MS que quelques-uns de ses diatoniques, dont la Blues Harp, un modèle proche du Marine Band qui, créée avec un sommier en bois de poirier au début des années 70, est depuis l'harmonica le plus couramment vendu dans ce qui reste de la gamme MS. Le Big River, la Pro Harp, le Meisterklasse et le JJ Milteau Deep Blues sont également encore proposés en MS sur le catalogue français de la marqueEt en 2005, Hohner sort une déclinaison révolutionnaire de son modèle classique, le Marine Band Deluxe, puis en 2008, un deuxième avatar, le Marine Band Crossover. Steve Baker, leur concepteur, vous a raconté ici la genèse de ces deux nouveaux instruments destinés à perpétuer la tradition du diatonique qui a défini le son "blues" tout en engageant résolument le fabricant de Trossingen dans la modernité.

(L'article original en anglais est ici - Copyright Ben Marks 2013 - Traduction et adaptation Le Lover Bleu - Sunnyside Productions 2013)